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Programme et activités > Conférences plénièresJürgen JASPERS, Université libre de BruxellesJürgen Jaspers est professeur de linguistique néerlandaise à l’Université Libre de Bruxelles (ULB). The monolingual habitus revisited (Répenser "l'habitus monolingue") Par cette communication, je souhaite réexaminer un concept ancien dans la sociolinguistique de l’éducation: « l’habitus monolingue ». Appartenant à un type de critique idéologique qui déploie une rhétorique de divulgation, le concept « ’habitus monolingue » est utilisé pour révéler que ce que de nombreux enseignant.e.s trouvent normal ou valorisent (des pays, institutions ou locuteur.trice.s monolingues) repose en fait sur des motifs arbitraires. Le fait que les enseignant.e.s ‘méconnaissent’ cet arbitraire est considéré comme critiquable parce que cela contribue à reproduire les inégalité socio-linguistiques. L’habitus monolingue est ainsi compris comme fondamentalement conservateur et comme reproduisant une idée singulière. La critique ou le changement doivent venir d’autres personnes, qui démystifient les hypothèses des détenteurs de l’habitus et qui remplacent ou transforment ces hypothèses par des connaissances factuelles. Cependant, le concept « d'habitus monolingue » envisage les personnes qui seraient marquées par cet habitus comme un collectif caractérisé par sa fausse conscience ou une vision erronée. Il n’explique pas comment le ou la sociolinguiste parvient lui, à développer une vision correcte, qui semble échapper aux forces de l’habitus. Or, comme l’illustre également ce résumé, les sociolinguistes adhèrent assez banalement, voire inconsciemment, à divers types d’attentes monolingues arbitraires dans leur travail quotidien. Il est clair, en plus, que probablement aucun.e enseignant.e occidental.e, pas même le.la défenseur.euse le.la plus extrême du monolinguisme, ne prétendra sérieusement n’avoir jamais entendu parler du multilinguisme ou insistera pour dire qu’il ‘n’existe pas’, contrairement à ce qu’impliquent les notions d’habitus et de méconaissance. Il semble difficile, dès lors, d’imaginer les enseignant.e.s et les sociolinguistes comme des groupes entièrement différents de part et d’autre de la frontière entre conscience et méconnaissance. La possibilité émerge d’un sens commun qui contient non pas une, mais deux significations opposées: le monolinguisme et le multilinguisme. En effet, en examinant des données ethnographiques provenant des écoles secondaires néerlandophones à Bruxelles, je proposerai que des enseignant.e.s qui incarnent un habitus monolingue semblent simultanément avoir un habitus multilingue: je montrerai que les enseignant.e.s qui imposent le monolinguisme trouvent également le multilinguisme banal et, souvent, plus précieux que le monolinguisme; et que ces enseignant.e.s sont capables de critiquer l’habitus monolingue d’autres personnes. Je soutiendrai que les enseignant.e.s, comme les sociolinguistes de l’éducation, utilisent ces idées habituelles opposées pour réfléchir, c’est-à-dire, pour légitimer mais aussi pour remettre en question, la viabilité de politiques linguistiques dans leur école. Ainsi, du moins dans ce contexte, le concept de « l’habitus monolingue » attire à juste titre l’attention sur une partie du sens commun des enseignant.e.s. Mais il brosse un tableau assez unilatéral. Je défendrai l’idée que cela empêche une compréhension globale de ce que font les enseignant.e.s. et que cela entrave également un dialogue productif entre enseignant.e.s et sociolinguistes sur la politique linguistique en classe et à l’école. Mariem GUELLOUZ, Université Paris Cité
Mariem Guellouz, Maîtresse de conférence à l'université Paris Cité et chercheuse au Cerlis (UMR 8070) est aussi artiste/performeuse. Elle s’intéresse aux pratiques langagières et esthétiques liées aux mouvements sociaux et militants du monde arabe et plus spécifiquement à la Tunisie. Saisir l’événement par les traces. Des limites du terrain en sociolinguistique Partant d’une réflexion méthodologique sur les possibilités de se saisir des pratiques langagières lors d’un événement politique qui survient par surprise telle qu’une révolution, cette intervention souhaite discuter de la notion de trace (Ginzburg, 1980) et de sa pertinence dans un parcours de recherche en sociolinguistique. Commencer un terrain de recherche dans l’après-coup de l’avènement d’une révolution ou à la fin d’une guerre civile nécessite-t-il de faire le deuil de l’observation des dynamiques politiques et des processus de résistances tacites ou explicites qui ont précédés ces événements ? Comment aborder les traces (Napolitano, 2015), dans une perspective anthropologique, lorsque le chercheur arrive dans l’après-coup de l’événement ? Il s’agit alors de comprendre le processus de construction du raté en tant qu’objet d’étude en adoptant un point de vue réflexif et en défendant une approche mémorielle du terrain en sociolinguistique. (Hambye, 2015). En discutant les propositions théoriques de James Scott sur l’infrapolitique (Scott, 2008), cette intervention propose d’étudier, à partir de l’exemple de la révolution tunisienne (2010-2011), les traces sociodiscursives des discours de la résistance tacite et leurs processus de publicisation afin de comprendre les possibilités et les limites d’une approche sociolangagière dans l'analyse d’un événement politique éphémère. Références Ginzburg, Carlo, 1980, « Signes, Traces, Pistes – Racines d’un paradigme de l’indice », Le Débat, Paris, Gallimard, 1980, n° 6, p. 3-44. Hambye, Philippe, 2015, « L’ethnographie comme méthode d’enquête sociolinguistique : « faire preuve » à partir d’un cas singulier ? », Langage et société, vol. 154, no. 4, 2015, pp. 83-97. Napolitano, Valentina, 2015, “Anthropology and traces”. Anthropological Theory, 15(1), 47-67. Scott, James, 1985, The Weapons of the Weak. Everyday forms of peasant resistance, Yale university press, New Haven.
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